Nouvelle(s)Fontaine,BrigitteNouvelles de l'exil - Fontaine,Brigitte by Fontaine Brigitte

Nouvelle(s)Fontaine,BrigitteNouvelles de l'exil - Fontaine,Brigitte by Fontaine Brigitte

Auteur:Fontaine,Brigitte [Fontaine,Brigitte]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Nouvelle(s)
Éditeur: Flammarion
Publié: 2006-08-02T22:00:00+00:00


C’était un vieil écrivain…

C’ÉTAIT UN VIEIL ÉCRIVAIN qui n’avait plus rien à dire. Il avait beaucoup donné, maintenant il allait au cinéma, pour recevoir. Il allait presque toujours au même cinéma, généralement l’après-midi, pas loin de chez lui, rue Saint-André-des-Arts. Il y avait plusieurs films, presque toujours bons, dans de petites salles. Il ne les regardait pas du tout en professionnel mais au contraire se laissait mystifier complètement, comme un enfant. Il préférait. Même quand il voyait des films plusieurs fois, c’était l’émotion qui comptait, c’était l’émotion qu’il laissait se creuser en lui. Quelquefois il restait deux séances d’affilée, quelquefois il revenait voir le film. Il vit quatre fois Prénom Carmen de Godard. La dernière fois, pour éviter le massacre et se faire une fin joyeuse, il partit avant que ça se gâte, changea de salle et alla voir un Laurel et Hardy. Comme c’était un habitué on le laissa faire. Il fut très content. Ça commençait à tirer dans le restaurant de l’hôtel et soudain il se retrouvait avec Laurel et Hardy enfants, dans des petits pyjamas éponge, avec d’énormes meubles, gardés par Laurel et Hardy papas. Les gosses faisaient des conneries inimaginables et il s’amusa beaucoup.

Mais là où il revint toute la semaine, ce fut quand ils repassèrent Une femme sous influence. Il était très ému, amoureux de ce film. Le quatrième jour, il était là dans la salle presque vide, pris dans cette vie, ce rire, cette chose poignante, quand il sentit une main qui se glissait dans la sienne. Il se retourna. C’était la jeune ouvreuse qu’il apercevait presque tous les jours sans y faire attention. Elle s’était assise près de lui doucement. Il vit qu’elle pleurait, le visage tourné vers l’écran. Il serra fermement sa main et la garda dans la sienne jusqu’à la fin du film. Quand la lumière revint ils se levèrent sans un mot et il partit. Le reste de la semaine elle vint encore et ils se tinrent par la main sans mot dire.

La semaine suivante, quand il arriva pour un autre film, elle n’était pas à la caisse. Le lendemain non plus. Ni le jour d’après. Il s’enquit à la caisse de la jeune ouvreuse blonde. Elle ne travaillait plus dans ce cinéma. Il eut pourtant la certitude qu’ils se reverraient.

En effet deux semaines plus tard, il traînait à Montparnasse et il entra dans un café pour lire le journal et boire un demi. Un coup d’œil sur la salle et il la vit, attablée assez loin de lui avec un jeune homme en blouson de cuir. Ils semblaient assez agités, ils faisaient des gestes saccadés et parlaient beaucoup. À la fin elle fit un signe violent comme pour dire allez dégage, dégage. Le jeune homme se leva, dansa un peu d’un pied sur l’autre et brusquement partit. Elle restait là très pâle à pétrir son verre dans les mains et tout à coup elle tourna la tête et le vit lui. Lentement elle paya, traversa la salle et vint s’asseoir en face de lui.



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